Reflets croisés : les perspectives taïwanaises face au miroir médiatique américain
Université de Sherbrooke, Canada
Introduction
La relation entre la Chine et Taïwan est une question politique complexe qui a des ramifications dans toute l’Asie ainsi que le monde entier. En effet, s’inscrivant dans la rivalité des deux plus grandes puissances mondiales que sont la Chine et les États-Unis, cette relation s’avère très délicate. Les enjeux que sous-tend la triade États-Unis, Chine et Taïwan sont de tailles. Ils incluent la sécurité régionale, si ce n’est mondiale, l’économie internationale, les droits fondamentaux et plus encore (Allison, 2019).
Les médias, en tant qu’acteur dans la construction de nos perceptions, sont inextricablement liés à la représentation que l’on se fait des enjeux internationaux. Dans le cas de la compréhension des relations entre Pékin et Taipei, ils jouent un rôle crucial dans la façon dont celle-ci est perçue et interprétée par le public. Étant donné son omniprésence et son influence, la couverture médiatique américaine de la relation entre Pékin et Taipei est un facteur déterminant dans le façonnement de l’opinion publique américaine et mondiale (Silver, Huang et Clancy, 2022). La couverture américaine de ce conflit est d’autant plus intéressante, puisque les États-Unis ne sont pas de simples observateurs, mais des acteurs ayant un impact direct sur la relation interdétroit. En effet, Taïwan étant un enjeu territorial délicat pour la Chine, les États-Unis n’hésitent pas à exploiter cette tension pour entraver les prétentions territoriales de la Chine. Par conséquent, la couverture médiatique américaine influence et est influencée par la politique étrangère des États-Unis.
Cette étude vise à approfondir la compréhension de la couverture médiatique américaine de la relation entre la Chine et Taïwan et porte plus spécifiquement sur la perspective taïwanaise, souvent marginalisée. Il s’agit alors de comprendre comment les experts taïwanais perçoivent-ils la couverture médiatique américaine de la relation entre la Chine et Taïwan. La revue de la littérature scientifique révèle plusieurs lacunes concernant les études portant sur la couverture médiatique américaine de la relation interdétroit. À la lumière des concepts de la médiatisation (Esser et Strömbäck, 2014) et de cadrage (Entman, 2004), cette recherche a pour objectif de décrire la perspective locale, absente dans la littérature portant sur la couverture médiatique américaine. En effet, la perspective des Taïwanais est très peu prise en compte dans les médias américains (Sullivan et Lee, 2018) comme dans la littérature scientifique (Doré-Caillouette, 2024). La perspective taïwanaise fournira non seulement un regard critique sur la couverture américaine, mais permettra aussi d’écarter les narratifs externes récurrents et de valoriser une perspective de l’interne trop souvent écartée.
Revue de la littérature : couverture médiatique américaine de la relation sino-taïwanaise
La couverture médiatique étasunienne des relations internationales revêt une importance particulière, en raison de leur rôle central sur l’échiquier mondial (Noshina, 2021). En effet, la manière dont leurs médias rapportent et analysent les événements internationaux a des implications directes sur la perception et la compréhension du public international et américain (Zhang et Trifiro, 2022 ; Noshina, 2021 ; Cook, 1998 ; Schudson, 1995).
En 1995, où la troisième crise du détroit éclate, la couverture médiatique de la relation sino-taïwanaise a connu une hausse significative. Cette année-là, la Chine continentale tire une rafale de missiles vers Taïwan après un discours sur la démocratie du président Taïwanais aux États-Unis. Le rôle de Taïwan a continué d’être un sujet de préoccupation majeure dans les médias américains, puisque de tous les thèmes sur lesquels s’étend le conflit sino-américain, « aucun n’a plus de potentiel pour une escalade rapide en hostilités armées que l'impasse dans le détroit de Taïwan » [traduction de l’auteur] (Dreyer, 2000, p. 615). Depuis ces évènements, les médias américains ont fortement binarisé et simplifié la relation sino-taïwanaise de 1995 à 2024.
The news narrative frames the issue at hand as dichotomized absolutes consisting of antithetical terms and ideas, with no alternative ground. Such binary representations dramatize the antagonism between the two entities. Moreover, constructing the issue in binary terms engenders moral underpinnings: “If one position is right, then the other must be wrong” (Carr and Zanetti, 1999, p. 324). The ideological polarization (Van Dijk, 1998) demonizes the Beijing government by amplifying the threat of its military force, thus evoking a sense of urgency and righteousness to protect democracy from the communist atrocity (Tang, 2010, p. 843).
La couverture médiatique américaine de la relation interdétroit tend à simplifier une situation historiquement et politiquement complexe. Par exemple, des plateformes telles que CNN ont souvent omis le contexte historique profond de cette relation, rendant parfois la situation plus facilement compréhensible pour un public peu familier avec cette région, mais moins précise et nuancée (Zhong, 1999). Les flashpoints1 , autrement dit une zone géographique ou une situation spécifique qui est particulièrement tendue et susceptible de déclencher un conflit armé, a,uraient aussi contribué à la vulgarisation et à la simplification de la relation interdétroit (Chen et Garcia, 2016). Les flashpoints du détroit de Taïwan sont abordés de manière semblable en adoptant une position agressive et unilatérale contre la Chine tout en omettant les nuances et la complexité de l'histoire sino-taïwanaise (Chen et Garcia, 2016).
Qui plus est, les médias américains ne donnent que très peu la parole aux habitants de la Chine ou de Taïwan. Selon Tang (2010), il est possible de trouver des citations de Taïwanais, mais seulement des opinions indépendantistes affirmées sont présentées : « de tels récits journalistiques offrent certainement une vision biaisée et dramatisée de l’antagonisme à travers le détroit » [traduction de l’auteur] (Tang, 2010, p. 845). Or, comme pour d’autres sujets d’actualité, les opinions des Taïwanais sur ces sujets sont certainement très diversifiées et ne s’expliquent pas, comme le font plusieurs médias, avec de simples sondages. De plus, la croissance des activités économiques entre les deux rives suggère que, malgré les discours politiques, la Chine est perçue comme un partenaire économique crucial, voire comme un environnement propice à une intégration économique accrue (Tang, 2010). Ces thèmes sont cependant rarement abordés dans une couverture médiatique géopolitisée, simplifiée et binarisée de la relation interdétroit.
Finalement, la posture des États-Unis dans cette situation complexe est souvent présentée de manière non ambiguë. Certains médias américains tendent à considérer cette implication comme une évidence, sans prise de recul ou critique : « ici, l’implication des États-Unis dans de telles affaires étrangères n’est pas présentée comme un sujet de débat, mais comme un fait établi » [traduction de l’auteur] (Tang, 2010, p. 844). Or, cette naturalisation médiatique masque le fait que les États-Unis sont impliqués dans ce conflit depuis seulement 1949 (Foot, 1995). Chen et Garcia (2016) soulignent que le rôle des États-Unis dans l’histoire de la relation entre Pékin et Taipei devrait être plus souvent abordée puisque « cette partie cruciale de la réalité aiderait le public américain à développer une évaluation plus rationnelle de la situation est largement invisible dans les médias américains » [traduction de l’auteur] (Chen et Garcia, 2016, p. 89). Dans le but de sortir d’une lecture américaine ou chinoise de la situation, il est nécessaire de se pencher sur le point de vue de d’autres acteurs, tels que les Taïwanais.
1.1. Médiatisation
Comme mentionné précédemment, les médias, compris en tant que véhicules de représentation d’une perception de la réalité, sont des acteurs clés dans la construction des réalités (Parenti, 1993). Par ailleurs, le concept de médiatisation s’insère adéquatement dans cette conception des médias.
La théorie de la médiatisation illustre l’effet des médias sur divers acteurs sociétaux, comme les politiciens, les groupes sociaux et les citoyens (Hjarvard, 2008 ; Livingstone et Lunt, 2014 ; Couldry et Hepp, 2013). Selon l’un des pionniers de la conceptualisation de la médiatisation, Jesper Strömbäck, ce concept représente, dans sa forme la plus singulière, « l’influence des médias » (Strömbäck et al., 2011). Les politiciens, par exemple, peuvent adapter leur discours en fonction des cadres de communication médiatiques (Strömbäck, 2008). D’autre part, les médias eux-mêmes peuvent être influencés par la médiatisation d’autres secteurs de la société, tels que la politique, l’économie ou les groupes d’intérêts spécifiques (Mazzoleni et Schulz, 1999 ; Hjarvard et Petersen, 2013 ; Kamga, 2012). Enfin, les citoyens, dans leur interaction avec les médias, peuvent également y participer en adoptant et en diffusant les cadres de communication qu’ils rencontrent (Livingstone, 2009 ; Couldry et Hepp, 2010). Dans Mediatization of politics (2014), Esser et Strömbäck énoncent la pertinence et l’impact prépondérant des médias sur la vie politique et la société. Ce processus met en lumière le rôle des médias en tant qu’acteurs politiques à part entière (Esser et Strömbäck, 2014). Il ne faut donc pas comprendre la médiatisation comme unidirectionnelle, mais comme un processus multidirectionnel.
Les médias peuvent exercer une influence considérable sur les opinions publiques (Esser et Strömbäck, 2014), dans la mesure où ils influencent la façon dont l’opinion publique conçoit les événements politiques. En effet, la création de récits médiatiques met l’accent sur certains aspects plutôt que sur d’autres. Par exemple, les médias ont tendance à privilégier les aspects les plus sensationnels des événements politiques, au détriment des détails complexes des politiques publiques. Cela peut renforcer l’importance des personnalités politiques, parfois aux dépens des idées politiques (Esser et Strömbäck, 2014). La relation complexe entre les médias, la société et le politique en est d’autant plus importante. Ce dernier étant incarné par les institutions, entités ou acteurs affiliés au domaine de la politique, les médias lui sont utiles pour diffuser ses messages et atteindre son public. Toutefois, le politique doit également être conscient du pouvoir des médias de déformer ou de simplifier volontairement ou involontairement ses messages au moyen du récit médiatique. Les médias exercent donc une pression sur la classe politique (Esser et Strömbäck, 2014). À l’opposé, les médias peuvent aussi être instrumentalisés par le pouvoir en place.
De plus, dans le cas d’enjeux internationaux, la médiatisation concerne toutes les parties prenantes. Pour ce qui est de la couverture médiatique américaine de la relation sino-américaine, l’opérationnalisation de la médiatisation est différente selon les pays. Hook et Pu expliquent que « les médias américains, en bref, sont censés jouer un rôle de “chien de garde”, tandis que les médias chinois sont le “porte-voix” du Parti communiste chinois » [traduction de l’auteur] (Hook et Pu, 2006, p. 169). Ces différences tiennent principalement aux régimes politiques et à la liberté de presse (Mazzoleni et Schulz, 1999). Aux États-Unis, dans leur logique pluraliste et commerciale, les médias détiennent une certaine liberté d’expression qui se traduit notamment par une ligne éditoriale. En tant que démocratie maintenant consolidée, les médias à Taïwan possèdent également un grand degré de liberté d’expression (Blumler, 2014). Les médias, dans ces deux pays, peuvent donc agir en contre-pouvoir et plus globalement influencer la politique. Au contraire, dans un pays autoritaire comme la Chine, le phénomène de la médiatisation ne réside pas dans l’influence des médias en tant que contre-pouvoir, mais à des fins instrumentales. Les médias servent à encadrer idéologiquement la manière dont les Chinois perçoivent les enjeux nationaux et internationaux (Ma, 2000). Dès lors, la médiatisation de la politique a nécessairement un impact sur la politique internationale. Celle-ci façonne les perceptions publiques et, par conséquent, contribue à orienter les décisions politiques à l’échelle mondiale. C’est explicitement le cas de médias qui diffusent des messages et des récits pour promouvoir une image bienfaisante d’un pays ou des politiques spécifiques (Pamment, 2014).
1.2. Cadrage
Dans l’étude des dynamiques médiatiques, le concept de cadrage est un pilier central des sciences de la communication et offre une perspective permettant d’analyser comment les messages sont conçus, interprétés et mis en action (Scheufele, 1999 ; Entman, 2004). Plus précisément, les cadres sont considérés comme des schémas cognitifs qui aident les individus à donner du sens à l’information parfois complexe (Benford et Snow, 2000). Influençant la perception et la compréhension du monde environnant, ils sont omniprésents dans divers domaines, y compris les médias, la politique et, plus globalement, les discours sociaux (Gamson et Modigliani, 1989 ; Chong et Druckman, 2007). Dans le contexte des médias, le cadrage joue un rôle crucial dans la structuration de l’information et dans son interprétation par le public (Tewksbury et Scheufele, 2019). C’est à travers le langage et les symboles mobilisés que le cadrage façonne la manière de ce que l’on conçoit comme le réel est créé et interprété. Selon le principe que le cadrage est « une question qui peut être envisagée sous différentes perspectives et être interprétée comme ayant des implications pour de multiples valeurs ou considérations » [traduction de l’auteur] (Chong et Druckman, 2007, p. 104). Il en résulte un impact profond sur la formation des opinions et des attitudes du public (Nelson, Oxley et Clawson, 1997).
Enfin, le concept de cadrage est étroitement lié à la médiatisation, car le premier se concentre sur la manière dont les médias présentent les informations2 et le deuxième s’inscrit dans un processus plus large où l’impact des médias intègre diverses sphères de la société, dont la politique. Ainsi, la médiatisation et le cadrage sont complémentaires, car tous les deux agissent ensemble pour orienter la façon dont le public perçoit et comprend l’information (Lemarier-Saulnier, 2016 ; Entman, 2004). Ces notions permettent de comprendre comment certains récits s’imposent comme dominants et en marginalisent d’autres. Elles sont donc particulièrement pertinentes pour analyser la manière dont les médias américains construisent une lecture spécifique de la situation.
Méthodologie
Pour comprendre les points de vue des Taïwanais sur la relation sino-taïwanaise et la couverture américaine de cette relation à partir de 1995, des entrevues semi-dirigées ont été réalisées. Les premières questions étaient donc d’ordre politique, historique et identitaire, alors que la deuxième partie de l’entrevue portait surtout sur les perceptions des récits médiatiques américains, les biais perçus ou les omissions. Pour cette étude, les personnes répondantes détiennent un niveau de connaissances élevé, soit des « élites » (Dexter, Ware et Sánchez-Jankowski, 2006 ; McClure et McNaughtan, 2021). Les journalistes, chercheurs et professeurs taïwanais qui ont été interviewés sont considérés comme des experts dans le domaine grâce à leurs connaissances approfondies et leur suivi continu des dynamiques politiques et médiatiques entre Pékin et Taipei. Les experts taïwanais apportent une perspective locale unique qui enrichit l’analyse et aide à mieux comprendre les perceptions et interprétations à Taïwan. Il en ressort que la diversité des opinions exprimées lors des entrevues permet d’affirmer que certains experts tendaient plus vers le statu quo et d’autres vers l’indépendance.
Les entrevues, d’une heure environ, ont été menées à Taipei lors de l’été 2023. Au total, 17 entrevues en personne ou en visioconférence ainsi que 2 entrevues écrites ont été réalisées. À l’exception d’une entrevue menée en français, toutes les autres se sont déroulées en anglais. Parmi les participants, 18 sont des universitaires taïwanais spécialisés en relations internationales ou en politique qui ont mené des recherches sur la relation interdétroit. Le dernier participant est un journaliste travaillant dans un média taïwanais de grande envergure. Des noms fictifs sont utilisés tout au long de la recherche et seulement une description simplifiée de leur position professionnelle est fournie pour qu’ils ne soient pas identifiables (tableau 1).

Dans le but d’explorer la diversité des éléments présents dans les données en minimisant les préconceptions, le codage ouvert, axial et sélectif implique l’examen des données brutes pour leur attribuer des étiquettes ou des catégories représentant leur sens ou leur signification (Lejeune, 2019). Le premier codage, celui ouvert, consiste à identifier les idées, concepts ou thèmes en les étiquetant avec des mots ou expressions descriptives, générant ainsi une liste initiale de codes ouverts. Par exemple, la phrase « La situation en Ukraine et à Taïwan est très différente » (Xu Wei) pourrait être codée sous le nom Contraste Ukraine et Taïwan. Ensuite, durant le codage axial, sont explorées les relations entre les codes ouverts en regroupant ceux qui partagent des similitudes ou des relations conceptuelles. Par exemple, tous les codes ouverts en lien avec la guerre en Ukraine seront rassemblés sous la catégorie du même nom. Ainsi, on obtient des catégories plus larges et cohérentes contenant les codes ouverts. Enfin, lors du codage sélectif, les catégories relatives à la représentation que se font les Taïwanais de la relation interdétroit ainsi que de la couverture médiatique américaine de celle-ci ont été retenues (Lejeune, 2019).
Résultats
3.1. Perspectives taïwanaises : entrevues sur la relation sino-taïwanaise
3.1.1. Histoire
L’historicité de la relation sino-taïwanaise s’avère être l’un des principaux prismes à travers lesquels les experts taïwanais perçoivent et évaluent leur relation avec la Chine. Sur les 19 personnes interviewées, une grande majorité (17/19) fait référence à l’histoire pour répondre à la question suivante : « quels enjeux créent de la tension dans la relation interdétroit ? ». Avant de présenter les enjeux, les interviewés mettent presque systématiquement en perspective leurs réponses avec l’histoire de la relation interdétroit. De manière générale, les experts taïwanais font plus qu’énumérer quelques faits historiques, avec des récits bien construits de la colonisation japonaise sur l’Ile jusqu’à aujourd’hui3, comme ceux de Zhao Ming et Zhang Yue. Le fait que presque tous les participants aient ressenti le besoin de contextualiser leur réponse en se référant à des événements historiques suggère que les enjeux actuels ne peuvent être séparés des événements passés. L’histoire taïwanaise n’est pas une simple toile de fond, elle est le cadre même à travers lequel la relation entre la Chine et Taïwan est vue et comprise. Les experts continuent à y faire mention tout au long de l’entrevue, d'où la récurrence d'expressions telles que « d’un point de vue historique » (Zhao Ming). Au milieu d’une élocution sur la relation belliqueuse entre Pékin et Taipei, Sun Jia n’a pas hésité à rappeler que « la guerre civile n’est officiellement pas terminée puisqu’aucun traité n’a été signé pour y mettre fin ». Il semble que cette trame historique ne soit pas qu’un simple point de départ, mais bien un fil conducteur qui traverse leurs analyses et réflexions. Dans la complexité des relations interdétroit, l’importance de la perspective historique adoptée par les experts taïwanais ne peut être sous-estimée. En effet, il ne s’agit pas seulement de mettre en évidence des événements ou des dates clés, mais plutôt de cadrer les attitudes actuelles selon les récits historiques. Il s’agit là d’une tendance dominante qui traverse l’analyse de la représentation taïwanaise des experts, dans le sens où l’historicité n'est pas une simple caractéristique de la relation interdétroit, elle en est un pilier central.
3.1.2. Culture et identité
La culture est aussi un aspect très important dans l’interprétation de la relation interdétroit. En effet, comme l’histoire, ce thème est revenu dans pratiquement toutes les entrevues. Sans détours, plusieurs experts ont fait part de l’importance particulière que revête la culture dans la relation sino-taïwanaise. Cette notion était beaucoup mobilisée pour aborder la démocratie, la signification de l’indépendance et l’opposition identitaire avec d’autres taïwanais ou avec la Chine.
Yang Meil-ling estime que la centralité de la culture dans le récit interdétroit tient en partie de la conception même de la culture par rapport à la territorialité. Il explique qu’« en Asie de l’Est, il existe une idéologie rigide selon laquelle si vous avez la même culture, vous devez faire partie du même pays ». Cette affirmation révèlerait la présence d'une pensée en Asie de l’Est, qui perçoit l’homogénéité culturelle comme une justification pour l’unification territoriale. Cette analyse de Yang Meil-ling est particulièrement pertinente pour interpréter la dynamique entre la Chine et Taïwan, où les revendications territoriales chinoises sont souvent renforcées par des appels à l’unité culturelle et historique.
Zhu Lan perçoit, lui aussi, la culture comme un élément central de la relation entre Pékin et Taipei. Cependant, Zhu Lan ne lie pas la culture à la territorialité, mais bien à l’identité. Selon lui, « la question de l’identité reste le problème central entre Taïwan et la Chine ». Il ajoute que la culture tirerait son importance de la question identitaire chinoise et taïwanaise, celle-ci étant au cœur des débats entre le Parti communiste et les gouvernements qui se sont succédés à Taïwan. Selon lui, la Chine promeut l’idée que Taïwan et la Chine partagent une même culture alors que Taïwan fait le contraire. Cette approche de Zhu Lan sous-tend l’importance de la question identitaire pour mieux saisir la complexité des relations interdétroits, où les actions et déclarations sont souvent chargées de significations historiques, culturelles et identitaires profondes. Zhang Yue partage cette opinion et propose une anecdote personnelle sur l’un de ses voyages en Chine. Il explique que, lors de son séjour, il a pu constater une certaine distance entre sa perception du bonheur et celle des Chinois qu’il a rencontrés. Il s’explique cette dissemblance en faisant référence à l’uniformité de penser véhiculée par le Parti communiste. L’anecdote de Zhang Yue présente un résultat concret de la question identitaire :
(1) In China, at one point happiness was a main topic. The government encouraged the population to do what they thought that make them happy. When I arrived in China, people were asking me what made me happy. I answered that it depends on their definition of happiness. They had a hard time understanding my answer. They have a more uniform way of thinking. They take what the government says and follow. They don’t ask why. […] The Taiwanese and Chinese culture are very different. In Taiwan we think change, in China they think stability.
Zhang Yue met en lumière le rôle significatif qu’aurait le gouvernement chinois dans la formation des perceptions et des comportements de ses citoyens. Selon lui, la difficulté des Chinois à comprendre sa réponse à propos du bonheur reflète une différence fondamentale dans l’approche de la pensée critique et de l’interrogation personnelle.
Plusieurs des personnes interviewées ont abordé le caractère démocratique de Taïwan en y faisant référence comme un élément qui les distingue culturellement de la Chine. Zhang Yue explique que « le seul fait que Taïwan est une démocratie et la Chine un pays autoritaire démontre que ce sont deux nations culturellement différentes ». Aussi, Sun Jia utilise un cadre contextuel historique pour mettre en relief cet élément culturel que serait la démocratie. Il souligne le lien étroit entre culture et histoire en contextualisant la démocratisation de Taïwan. Selon lui, « il existe également toute une idée culturelle de fond selon laquelle la démocratie ne fonctionnerait pas en Asie. Taïwan appartient à cette culture confucéenne et la démocratie ne serait pas compatible avec cette culture ». Il dit ensuite, avec fierté, que Taïwan est reconnu comme la démocratie la plus aboutie en Asie. Le confucianisme, en tant que pilier culturel du sud-est de l’Asie, a longtemps été considéré comme un obstacle à la démocratisation en raison de ses valeurs qui mettent l’accent sur la hiérarchie et le respect de l’autorité. Selon Sun Jia, l’expérience taïwanaise suggère que les sociétés confucéennes peuvent intégrer des valeurs démocratiques, adaptant et réinterprétant leurs traditions culturelles de manière à soutenir plutôt qu’à inhiber la démocratie. On peut donc présumer que l’importance accordée par Sun Jia à l’identité démocratique de Taïwan met également en lumière la fierté nationale et une forme de résilience culturelle face aux pressions extérieures et aux scepticismes historiques.
Les experts taïwanais ne manquent pas de rappeler que c’est une généralisation de parler de culture chinoise et taïwanaise. En effet, en abordant le thème des sondages portant sur l’identité des habitants de l’Ile, Yang Mei-ling se pose la question : « Que dire d’un Taïwanais qui se sent un peu chinois, mais qui a une mère autochtone et un père japonais ? L’identité est un sujet très complexe ». Yang Mei-ling perçoit les sondages comme une simplification de la question identitaire taïwanaise. Cette approche critique souligne le défi de représenter fidèlement la diversité des identités au sein de l’Ile dans le cadre d’enquêtes statistiques ou de sondages d’opinion. On peut présumer que Yang Mei-ling applique le même raisonnement à la Chine et qu’il serait, de son point de vue, erroné de voir la Chine continentale et l’Ile comme deux blocs culturels homogènes qui s’opposent. Cette perspective met en exergue l’importance de reconnaitre la multitude d’identités qui peuvent cohabiter en Chine et à Taïwan.
3.1.3. Géopolitique
Lors des entrevues, dès que des questions géopolitiques étaient posées, les États-Unis devenaient omniprésents. Les experts taïwanais se sont aussi mis à utiliser un vocabulaire se rapprochant du courant réaliste des relations internationales. Le réalisme voulant que les États soient les acteurs principaux sur la scène internationale et que leurs actions soient principalement guidées par des intérêts nationaux, des mots comme levier, dissuasion, puissance, intérêt national et menace ont structuré leur discours (Vilmer, 2023).
Les propos des experts convergent et expliquent comment les États-Unis utilisent Taïwan comme un levier pour servir leurs intérêts contre la Chine. En effet, l’idée selon laquelle les États-Unis se servent de Taïwan pour contenir l’expansion chinoise est bien ancrée. Les experts taïwanais expliquent que Taïwan fait partie de la stratégie américaine dans l’océan Pacifique : « L’Inde, Taïwan, l’Australie, la Corée, le Japon et les Philippines sont les premières lignes de défense face à la Chine » (Wu Jian). Selon lui, si la Chine s’empare de Taïwan, cela créerait une brèche dans la stratégie militaire américaine, c’est-à-dire que la Chine aurait plus facilement accès à l’océan Pacifique, et ce, par le port en eaux profondes de Taïwan.
Huang Xin utilise, quant à lui, l’expression chinoise « 以甜與鞭 [avec douceur et fouet] » pour qualifier la stratégie géopolitique américaine en lien avec la relation sino-taïwanaise. Zhang Yue, Guo Wen et Huang Xin sembleraient adopter une perspective critique de l’approche transactionnelle des États-Unis dans leur relation avec l’Ile. L’approche étasunienne serait surtout pragmatique, ce qui témoignerait d’un manque de loyauté. Plusieurs experts nuancent néanmoins leurs propos. Alors que Sun Jia et Zang Yue présentent l’apport positif de la relation entre Taïwan et les États-Unis, Zang Yue explique que la démocratisation de Taïwan est en partie due aux États-Unis : « les États-Unis ont exercé une pression utile sur le gouvernement de Taïwan en faveur de la démocratisation ». Non seulement l’élite politique taïwanaise du 20e siècle a étudié aux États-Unis, mais en plus, la démocratie taïwanaise n’aurait pas pu aussi bien fleurir si l’Ile n’était pas protégée par les États-Unis. Selon Sun Jia, il faut se rendre à l’évidence : « Les États-Unis sont la seule source fiable de sécurité pour Taïwan. Tous les autres pays craignent la Chine ».
3.2. Perspectives taïwanaises : entrevues sur la couverture médiatique américaine de la relation sino-taïwanaise
Pour mieux comprendre l’influence des États-Unis sur Taïwan, il importe d’examiner la perspective taïwanaise. Les cadres culturels locaux jouent un rôle important dans la manière dont cette influence est perçue. Parmi ces cadres, le concept de mianzi occupe une place centrale dans les dynamiques relationnelles taïwanaises et chinoises.
Le mot mianzi (面子) se traduit littéralement par « visage ». C’est avec Zhou Yi et Guo Wen qu’une compréhension de ce terme omniprésent dans la tradition taïwanaise et chinoise a pu être possible. Ce concept n’a aucun équivalent français, se résume difficilement en une phrase et est souvent confondu avec la notion de respect. Le mianzi est ancré dans la culture chinoise et englobe des dimensions qui vont au-delà de la simple notion de respect. Pour donner un aperçu de sa signification, il est possible de comparer le mianzi4 à un mélange de réputation, d’estime de soi, de respect et de prestige social dans les cultures occidentales. Guo Wen donne ici un exemple de l’application du concept de mianzi :
(2) As an example, in the army, if I’m your senior and I offer you a cigarette and you refuse, you don’t give me manzi. If I shoot my drink and you don’t, you don ’t give me mianzi. Mianzi is very important in Cross-Strait relations, the U.S. uses Taiwan to shame and give bad mianzi to China.
Après des recherches approfondies, il s’avère que le mianzi se différencie du respect. L’objectif ici n’est pas de décrire la signification de ce concept, plusieurs articles scientifiques le faisant déjà extensivement (Hwang et Han, 2010 ; Zhou et Zhang, 2017), mais de donner un exemple concret, selon deux personnes interviewées, du fossé culturel qui existe entre l’Asie et l’Occident.
Ce que Zhou Yi et Guo Wen nomme le « mianzi problem » fait référence à ce fossé culturel qui rend impossible une couverture médiatique américaine représentative des perspectives asiatiques. Cet élément qu’apporte les interlocuteurs chapeaute en quelque sorte les résultats des entrevues. Selon eux, c’est, en grande partie, ce qui caractérise l’existence d’une perspective taiwanaise et d’une perspective américaine, un fossé culturel.
Zhou Yi et Guo Wen ont fait part de cet élément pour démontrer que sur plusieurs points, la couverture médiatique américaine interprète la relation interdétroit de manière ethnocentriste : « les médias américains ne parleront jamais de mianzi » (Guo Wen) et « la façon dont ils sont toujours orientés vers la compétition est parfois un peu étrange pour nous » (Zhang Yue). Par « orienté vers la compétition », Guo Wen entend que les organes de presse américains sont constamment en compétition pour attirer l’attention du public et qu’ils confrontent ouvertement une autre entité que ce soit un pays ou une organisation. Cela se traduit souvent par des titres accrocheurs, des récits simplifiés ou polarisants et une tendance à privilégier le sensationnel.
Les experts taïwanais interviewés estiment que les médias américains « écrivent des histoires, apportent des images et produisent des reportages qui ont du sens pour leur audience » (Xu Wei). Cependant, ils observent que cela se fait au détriment d’une compréhension approfondie de la relation interdétroit :
(3) A lot of time Chinese or Taiwanese react in a way and Americans don’t understand, they think it’s ridiculous or not serious. It’s a mianzi problem. The cultural difference makes that the American coverage is anchored in their perceptions and they can’t understand our point of view. It’s then even worse for American readers. (Guo Wen)
En effet, l’audience américaine se fie à ce qui est écrit dans ses propres médias, son champ de référence est donc limité. En effet, Guo Wen affirme qu’il est primordial que les Taïwanais mettent de l’avant leur perspective dans les médias américains. Sun Jia est du même avis et ajoute que ça le fatigue de seulement voir des Américains ou des Chinois parler de la relation interdétroit dans les médias. Seuls les Taïwanais peuvent vraiment articuler ce que signifie l’identité taïwanaise, les défis auxquels ils sont confrontés et leurs aspirations pour l’avenir.
3.2.1. Histoire
Comme les experts taïwanais l’ont précédemment établi, il est, selon eux, difficile d’imaginer aborder la relation interdétroit sans explorer son historicité. Ceci n’est pas sans lien avec le fait que ces mêmes experts observent une lacune dans les médias américains en ce qui a trait à l’absence de l’aspect culturel et historique de la relation sino-taïwanaise. En évoquant les médias américains, Guo Wen, affirme qu’ils négligent l’histoire et la culture très particulières de la relation sino-taïwanaise. Cette profondeur historique, souvent omise par certains médias, s'avèrerait pourtant essentielle pour saisir la complexité de la relation. En négligeant ces aspects, le récit peut facilement devenir unidimensionnel, perdant sa profondeur et sa nuance. Comme nous le rappelle Zhu Lan :
(4) They [the American medias] don’t know the complicated history of Taïwan and China. When they tell a story between Taïwan and China, they might overemphasis on sovereignty issues and neglect historical facts that explain why Taïwan in fact does not belong to China. (Zhu Lan)
Pour Xu Wei, cette absence de cadre historique simplifie à outrance la relation entre Pékin et Taipei. Les événements d’actualité, n’étant pas mis en relation avec ceux du passé, sont dénués de sens. Les experts taïwanais sentent cette absence d’historicité jusque dans le choix des mots : « Ils utilisent des mots comme “Break away province” [en citant un journal américain]. Taïwan n’a jamais fait partie de la République populaire de Chine et le fait de dire cela simplifie une situation bien plus complexe » (Hsiao-ying). Utiliser des termes inappropriés ou simplistes peut brouiller la réalité et fausser la perception du public. Ce sont donc des mots qui peuvent paraitre inoffensifs, mais qui sont lourds de sens patrimonial. De plus, Zhang Yue explique que le contexte journalistique actuel rend difficile la compréhension globale du sujet d’un article. Selon lui, les nouvelles doivent être saillantes, aisément compréhensibles, simples et éloquentes. Il explique que ne pas aborder l’historicité de la relation entre Pékin et Taipei empire ce phénomène. Les experts taïwanais y voient également du sensationnalisme, pour lequel l’importance réside dans l’obtention de la plus grande visibilité possible, et ce, au détriment de la qualité, de la nuance et de la véracité de l’information transmise.
3.2.2. Culture et identité
Le deuxième thème mis de l’avant par les experts taïwanais et négligé par les médias américains est la culture. Dans la perspective des experts taïwanais, la culture est un prisme essentiel pour interpréter la relation sino-taïwanaise, car elle façonne non seulement leur identité, mais aussi leur perception de cette relation, souvent ombrée par des récits simplifiés.
Alors que les experts mentionnent la mise de côté et la simplification de la notion de culture, ces derniers font aussi part de la dissonance entre leur culture et celle des Américains. Guo Wen évoque, comme immédiate conséquence, que les médias américains vont comprendre la réalité taïwanaise sous le prisme de leur propre culture. C’est exactement ce qui serait mis en lumière par ce que Guo Wen désigne être le « mianzi problem », c’est-à-dire que plusieurs éléments de la relation interdétroit demeureraient incompris par les médias américains en raison du fossé culturel entre l’Occident et l’Asie. Les questions identitaires et culturelles étant au centre de la relation sino-taïwanaise, dans la perspective des experts taïwanais, les médias américains présenteraient presque inévitablement une analyse biaisée de la relation.
La couverture américaine étant en partie le reflet de leur propre culture, une répercussion inévitable serait que les Taïwanais, en se référant à un média américain, vont consulter la perception étasunienne de la relation interdétroit. Cette citation de Zhang Yue est assez révélatrice à ce sujet : « à Taïwan, nous avons une identité différente et nous nous sentons mal représentés par les médias américains ». En effet, il apparaît que la perspective taïwanaise est souvent écartée de la couverture américaine, voire marginalisée.
En résumé, l’omission et la simplification de la perspective historique, culturelle et identitaire dans les médias américains démontrent, du point de vue des experts rencontrés, une tendance des médias américains à imposer leur propre cadre narratif. La diversité des perspectives taïwanaises y est par conséquent absente. Les experts taïwanais ont pu cibler deux cadres narratifs distincts de la couverture américaine, mais interreliés à celle-ci. Éloignées du point de vue des Taïwanais interviewés, les perspectives alarmistes et centrées sur les intérêts nationaux américains caractériseraient la couverture médiatique américaine.
3.2.3. Alarmisme américain
La majeure partie des experts taïwanais s’accordent pour dire que la couverture américaine de la relation interdétroit est centrée sur la géopolitique et tout particulièrement le domaine économique et militaire. Le cadrage géopolitique des médias américains, qui semble être paru le plus évident par les experts taïwanais, est l’alarmisme, c’est-à-dire que les médias se concentrent souvent sur des scénarios extrêmes, comme le risque d’un conflit ouvert lorsque qu’ils couvrent la relation entre la Chine et Taïwan.
Les experts soulignent que cette conception d’une Chine malfaisante connote le risque imminent d’une guerre. Les répondants ont, à plusieurs reprises, partagé des titres d’articles qui insinuent ou disent, mot pour mot, qu’une guerre est imminente dans le détroit taïwanais. Voici quelques exemples donnés par Huang Xin, Li Wei et Liu Jie :
(5) « War is coming » (Huang Xin)
(6) « Why Taiwan is the most dangerous place in the world » (Li Wei)
(7) « Today Hong Kong, tomorrow Taiwan » (Liu Jie)
Li Wei avertit toutefois que les médias américains font paraitre la situation plus effrayante qu’elle ne l’est en réalité. Les experts taïwanais y voient aussi un des effets du sensationnalisme américain. Les titres auraient pour objectif d’être provocants et suggestifs au détriment de la qualité de l’information. Si l’on considère cette vision dichotomique, il est alors aisé d’oublier que la relation interdétroit est empreinte d’une histoire complexe, avec des nuances et des subtilités qui vont bien au-delà d’une simple opposition.
La tangibilité de cette couverture alarmiste et de l’incohérence avec le vécu se dessinent au gré d’anecdotes personnelles. Par exemple, Li Wei mentionne l’inquiétude de certains parents à l’étranger concernant leur enfant venu étudier à Taïwan : « j’ai beaucoup d’étudiants étrangers et leurs parents les avertissent que c’est un endroit dangereux, [Taïwan] qui sera attaqué […] L’université a du mal à recruter, parce que les gens pensent que Taïwan est dangereux ». Pour Guo Wen, la possibilité d’une guerre dans le détroit est irrecevable : « les médias présentent la guerre comme inévitable, mais les Taïwanais ne pensent pas à la guerre, je me vois dans cinq ans avec des enfants ». Quant à Xu Wei, bien qu’il voie de ses propres yeux les intrusions chinoises dans l’espace aérien taïwanais, il affirme que beaucoup de Taïwanais sont persuadés que la Chine n’attaquera pas Taïwan dans la conjoncture actuelle. Que ce soit selon l’expérience de Li Wei, de Guo Wen ou de Xu Wei, ceux-ci relèveraient une dissonance entre l’alarmisme des médias américains et les perceptions des Taïwanais, qui ne voient pourtant pas l’Ile comme étant sur le seuil d’un conflit ouvert avec la Chine. Ce constat mettrait en évidence le manque de perspectives taïwanaises dans les médias américains.
La préoccupation des experts taïwanais en lien avec l’alarmisme réside dans le décalage entre leur réalité et la perspective des médias américains. Les craintes, alimentées par une couverture médiatique américaine souvent alarmiste, sensationnaliste et dichotomique, se heurtent, selon les répondants, à la population taïwanaise, qui ne perçoit pas son environnement immédiat comme étant au seuil d’un conflit armé.
3.2.4. Intérêt national américain
Une majorité des experts interrogés ont caractérisé la couverture médiatique américaine comme étant largement façonnée par les intérêts nationaux des États-Unis. Les témoignages recueillis révèlent une perception commune de l’alignement des médias américains avec les orientations politiques du gouvernement. Par exemple, Zhou Yi a observé que « les médias américains sont influencés par le gouvernement en place », tandis que Zhang Liang a noté que « l’attitude des médias reflète celle de leur gouvernement ». De même, Liu Jie a estimé que « les médias américains disent ce que le gouvernement souhaite ». Ces citations mettent en lumière le sentiment d’une synchronisation entre la politique étrangère américaine et la manière dont elle est représentée dans les médias nationaux.
Il s’avère qu’une certaine dépendance des médias à l’égard des orientations politiques du gouvernement américain est un thème présent dans les discours des experts. Les médias ne seraient donc pas empreints d’une partialité, mais s’adapteraient au discours gouvernemental. Selon Li Min, la multiplicité des transformations du discours médiatique américain illustre la façon dont les médias vont dans la même direction que leur gouvernement. Selon lui, « l’attitude des médias américains change brusquement, tout comme celle de leur gouvernement ». Zhang Liang corrobore les propos de Li Min en affirmant que la couverture médiatique dépend du parti élu. D’autres chercheurs poussent plus loin cette réflexion en incluant l’élément de la temporalité pour mettre en surbrillance ce cadrage médiatique centré sur les intérêts américains. En effet, selon Zhao Ming, les intérêts nationaux américains en lien avec la relation interdétroit ont changé au fil du temps, faisant évoluer par conséquent la couverture médiatique en fonction de ces intérêts. Zhao Ming fait ici référence à avant et après 1990, en expliquant que « les médias américains ont changé de cap lorsque le gouvernement américain est passé de l'engagement à la compétition envers la Chine ». En effet, Ming explique par la suite qu’avant 1990, les États-Unis étaient engagés pour le développement de la Chine et qu’ils sont devenus en compétition à la suite du massacre de la place Tienanmen. Les États-Unis auraient également commencé à percevoir la montée de la Chine sur la scène mondiale non seulement comme un défi économique, mais aussi comme une compétition stratégique. Toujours selon Zhao Ming, cette nouvelle dynamique aurait eu un impact notable sur la manière dont les médias américains ont commencé à rapporter les événements et les développements relatifs à la relation interdétroit. Li Min ajoute que ce cadrage selon lequel Taïwan doit garder le statu quo pour ne pas envenimer sa relation avec la Chine, mais que l’Ile demeure une entité à part entière puisqu’elle est démocratique, est intenable. Il explique d’abord que cette couverture est contradictoire en elle-même puisque le statu quo sous-entend que Taïwan n’est pas une entité distincte mais plutôt une province de la Chine ; puis qu’elle maintient une certaine contrainte dans la manière dont l’Ile est représentée et discutée dans le contexte international, mais également dans la manière dont l’Ile elle-même projette son avenir. Li Min fournit donc une analyse très pertinente de ce qui pourrait être qualifié de dilemme dans la couverture médiatique américaine. Il perçoit également un impact néfaste de cette ambiguïté en ce qui a trait à la représentation dissonante de l’indépendance de Taïwan dans les médias américains. Selon lui, le gouvernement américain jouerait avec cette ambiguïté envers Taïwan pour préserver ses intérêts nationaux en Asie, et ce cadrage se reflèterait dans les médias.
Pour Li Min, la couverture médiatique américaine de la relation interdétroit est tellement centrée sur les intérêts américains que sa propre lecture de ces articles en est affectée. Le discours de Li Min est révélateur du caractère très concret de ce phénomène :
(8) When I look at the U.S. media coverage of the cross-strait relation, I try to think about what they don’t want me to know because they act for their own interest […]. In 2022, The Economist titled their article Why Taiwan is the most dangerous place in the world [titré en majuscule]. They talked a lot about TSMC and if I read between the lines, I understand that it means that the U.S. can’t put all their eggs on Taïwan. What if China invades Taiwan and gets the chips?
En faisant un lien avec les semi-conducteurs taïwanais, Li Min touche une corde sensible des intérêts nationaux américains. En lisant entre les lignes, Li Min explique percevoir un message implicite : les États-Unis ne peuvent pas se permettre de dépendre exclusivement de Taïwan pour les semi-conducteurs. Ce point de vue souligne les enjeux stratégiques, mais peut aussi être vu comme une simplification de la complexité des relations interdétroits. Cette approche pourrait minimiser ou ignorer d’autres aspects importants de la situation à Taïwan. Cet extrait de l’entrevue avec Lim illustre comment les experts taïwanais perçoivent que la relation entre Taïwan et les États-Unis ainsi que les sujets d’économie et de technologie taïwanaise sont uniquement présentés sous l’angle géopolitique. Ce serait le cas, parce que c’est bien sous l’angle géostratégique que ces thèmes intéressent la politique étrangère des États-Unis. C’est-à-dire que Zhang Liang perçoit que, dans les médias américains, la relation américano-taïwanaise est décrite sous l’angle stratégique et axée sur les intérêts nationaux propres à chacun, en l’occurrence les semi-conducteurs. Selon Zhang Liang, Huang Xin et Lin Yuan, les États-Unis et, par extension, les médias américains, ne se préoccupent pas de Taïwan, mais bien de ces semi-conducteurs.
Conclusion
Les perspectives taïwanaises des médias américains ne viennent pas nécessairement à l’encontre de la littérature scientifique, mais elle approfondit et précise certains aspects. C’est-à-dire que, bien qu’on en trouve quelques traces dans l’étude de Sullivan et Lee (2018), l’historicité ainsi que les questions culturelles et identitaires de la relation sino-taïwanaises sont plutôt mentionnées ou survolées dans la littérature scientifique, alors que ce sont les points névralgiques de la perspective taïwanaise sur les médias américains. Ces points sont directement liés à la manière dont les Taïwanais voient leur relation avec la Chine. Le « mianzi problem », notion mobilisée par deux participants pour souligner le fossé culturel entre l’Asie et l’Amérique, pourrait être un facteur expliquant les différentes approches de la relation sino-taïwanaise. Il n’est pas étonnant que ce soient les aspects qui marquent le plus les experts taïwanais, car c’est sous cet angle qu’ils perçoivent la relation interdétroit. Alors que la littérature scientifique ne relève que très peu cette lacune, il semble flagrant que les médias américains négligent ces éléments selon les résultats de cette étude. Les experts vont en profondeur sur ces sujets en expliquant qu’ils sont primordiaux et que la relation entre Pékin et Taipei ne peut pas être comprise sans eux. Pourtant, si, par chance, ils sont abordés dans les médias, ils le sont sans nuance et avec une simplification aberrante. Ces nuances, bien qu’essentielles, peuvent échapper à de nombreux observateurs. C’est précisément cette complexité qui est négligée dans une couverture médiatique qui préfère les récits simplifiés. Le prisme par lequel les médias américains voient la relation interdétroit tend à condenser des histoires, des cultures et des identités multifacettes en catégories binaires, potentiellement erronées.
Les experts taïwanais abordent un autre élément que la littérature scientifique omet de mentionner. En effet, l’alarmisme de la couverture américaine concernant le risque d’un conflit ouvert avec la Chine était un sujet d’importance dans la plupart des entrevues, alors que ça n’a pratiquement pas été relevé dans la littérature. Selon les experts taïwanais, cette prévision pessimiste, en plus d’associer la relation sino-taïwanaise à la guerre, contribuerait à une représentation dichotomique de la situation, où l’on retrouve d’un côté la Chine, qui représente le mal, et de l’autre les États-Unis, sauveurs de la victime taïwanaise. Selon les experts, ce cadrage relève du sensationnalisme et ne correspond pas à réalité.
Il est toutefois possible de constater que la littérature scientifique sur la couverture américaine de la relation sino-taïwanaise rejoint la perspective taïwanaise sur plusieurs points. En effet, la première relève beaucoup de points que les experts taïwanais ont abordés tels que l’ambiguïté stratégique de la situation taïwanaise (Tang, 2010), le manque de perspective et de voix taïwanaise (Sullivan et Lee, 2018), la simplification à outrance du conflit (Stone et Xiao, 2007), la prédominance de la géopolitique (Sun, 2007), la dichotomisation du conflit (Liss, 2003), l’intérêt national américain (Lee et Yang, 1996) et les changements de cap dans la couverture médiatique (Fu, 2007 ; Lee, 2002).
Somme toute, il est possible d’affirmer que la littérature scientifique va dans la même direction que celle de la perspective taïwanaise de la couverture médiatique américaine de la relation interdétroit, même si certains éléments sont omis. Vu l’absence de la perspective taïwanaise dans la littérature scientifique, il aurait pourtant été plausible que la littérature scientifique soit en porte-à-faux par rapport aux perspectives taïwanaises. Il n’en demeure pas moins que les lacunes et omissions notables dans la littérature scientifique soulève l’importance d’intégrer les points de vue taïwanais pour mieux saisir les enjeux médiatiques de la relation interdétroit.
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[1] Dans le réseau journalistique, les flashpoints sont définis comme de brèves périodes soudaines pendant lesquelles l’intérêt sur des sujets spécifiques augmente puis diminue (Waisbord et Russel, 2020, p. 1).
[2] Je fais ici référence au cadrage dans le sens de l’interprétation sociologique qu’a Lemarier-Saulnier de ce concept. Dans Cadrer les définitions du cadrage : une recension multidisciplinaire des approches du cadrage médiatique (2016), Lemarier-Saulnier déconstruit avec rigueur les différences entre le cadre et le cadrage ainsi qu’entre une approche sociologique et psychologique de ces notions.
[3] Les événements les plus souvent abordés étaient : la colonisation japonaise de Taïwan qui a commencé dès 1895 ; la guerre civile et la Révolution chinoise de 1949 ; les trois crises du détroit de Taïwan qui ont respectivement eu lieu en 1954, 1958 et 1995 ; le Consensus de 1992 ainsi que la démocratisation de Taïwan à la fin du 20e siècle.
[4] Dans la littérature scientifique occidentale, certains auteurs ont proposé la traduction de mianzi par « face » (Hwang et Han, 2010).